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Le Mont Châtel à Pressiat (Ain) : un établissement de hauteur du haut Moyen Âge (VIe-VIIIe s.)

David Billoin (UMR 5140 ASM, Université Paul Valéry Montpellier 3)

La colline du Mont Châtel et l’une des zones de fouille

Le Mont Châtel occupe la place centrale dit des « trois monts » sur les contreforts du Revermont, entre le mont Myon et Montfort, à 18 km au nord-est de Bourg-en-Bresse. Ces trois collines offrent un paysage particulier, aisément identifiable de loin depuis la plaine bressane.

Les trois monts, avec le Mont Châtel au centre

L’occupation se développe sur la partie sommitale de la colline (1,2 ha), selon une orientation nord-sud, et s’étage sur deux terrasses. La plus haute (607 m d’altitude), d’une longueur de 160 m et large de 15 à 20 m, offre un espace relativement régulier sur lequel des édifices prennent place. Elle est ceinturée d’une seconde terrasse étroite correspondant à un espace de circulation souligné au sud par une levée de pierres et de terre. L’ensemble est bordé de pentes abruptes et de petites falaises au nord. Des petites plateformes et des anomalies du microrelief signalent de multiples constructions et des aménagements, tels qu’une vraisemblable citerne et une petite carrière.

Un angle de l’enceinte qui ceinture le sommet du mont

Deux églises sont implantées sur le point culminant à une soixantaine de mètres l’une de l’autre. Ces édifices occupent la totalité de la largeur de la terrasse supérieure, selon une orientation est-ouest. Celle au centre affiche une nef quadrangulaire prolongée d’un chevet plat de 11m sur 16 m, puis des pièces annexes implantées de part et d’autre du chœur l’agrandissent selon un plan classique en tau.

L’église sud
L’église sud en cours de fouille

La fonction funéraire des lieux est attestée par de nombreuses sépultures à l’intérieur du bâtiment, avec des dispositifs originaux. Ainsi, deux sépultures en coffres naviformes sont construites en même temps que le chœur de l’église, selon une orientation nord-sud, et des sarcophages en grès sont incrustés dans l’épaisseur des murs de la nef. L’un d’eux est orné d’un motif gravé sur son panneau de tête, représentant un chrisme encadré de deux croix latines. Il trouve une comparaison avec un sarcophage issu de l’église Saint-Clément de Mâcon, alors que l’analyse pétrographique du grès indique une fabrication dans les carrières du Mâconnais. Les différents types de tombes observés sont caractéristiques du domaine romano-burgonde, en usage du VIe au VIIIe siècle.

Sarcophages en grès

La seconde église est bâtie à l’extrémité nord du mont et visible de très loin depuis la plaine. De plan rectangulaire à chevet plat de 16 m sur 12 m, elle est composée d’une nef centrale flanquée de galeries latérales, une troisième constituant la façade ouest de l’édifice. La présence d’un autel quadrangulaire est reconnue au centre du chœur. Hormis des claveaux en tuf utilisés dans les voûtements des ouvertures, un fragment de fût de colonnette galbé est recueilli dans la démolition. Ce rare élément architectural utilise un poudingue à l’aspect particulièrement décoratif, un type de roche connu dans les carrières anciennes de Savoie autour de Chambéry. Une petite aire funéraire vient s’adosser à l’édifice religieux et se caractérise par des tombes couvertes de dalles monolithiques en calcaire, dont cinq sont accolées. Un modeste bâtiment rectangulaire de 6 m sur 4,20 m est construit parmi les sépultures à proximité immédiate de l’église et selon la même orientation. Il reprend l’alignement des cinq tombes regroupées, en lien probable avec la mémoire des défunts. Un fragment d’épitaphe en l’honneur d’un défunt est retrouvé à proximité, ainsi que du verre à vitre et des fragments de vitraux.

L’église nord

La qualité des édifices doit être soulignée par un mode de construction en pierre utilisant ponctuellement l’opus spicatum et la présence de couverture en tuile à la romaine, révélant des productions mérovingiennes par les modules utilisés. Le matériel recueilli sur le mont est assez modeste, lié à la fonction religieuse des édifices partiellement étudiés à ce stade. À côté de la céramique des VIe et VIIe siècle, notamment du service bistre, la vaisselle en verre est composée de gobelets et de flacons ayant pu avoir une fonction liturgique, ce qui expliquerait leur présence à l’intérieur des églises. Du luminaire est également attesté sous la forme de lampions suspendus, notamment à l’intérieur du chœur de l’église funéraire. Plusieurs monnaies romaines tardives, essentiellement des aes 4 théodosiens, sont également à noter. L’ensemble de ces éléments contribuent à placer le début de l’occupation dans la seconde moitié du VIe siècle, corroboré par deux datations C14, et un abandon des lieux vers le VIIIe-IXe siècle. Un programme d’ampleur de récupération des matériaux de construction est engagé autour des XIe-XIIe siècles, non sans occasionner le bris de nombreuses sépultures. Le mont tombe peu à peu dans l’oubli alors que l’implantation castrale de Montfort s’installe au somment de la colline voisine au sud.

Panneau de tête d’un sarcophage

Les fouilles pluriannuelles menées depuis 2014 permettent peu à peu d’obtenir une lecture des éléments structurant cette occupation perchée, replacée dans son environnement large. Ces travaux de recherche enrichissent singulièrement la question du perchement de l’habitat alto-médiéval et la mise en place d’une nouvelle géographie du pouvoir, ce pôle de peuplement du Mont Châtel exceptionnel par bien des points évoque une petite agglomération de hauteur, point d’ancrage du christianisme, aux confins des diocèses de Lyon et de Besançon.

Tombe ayant accueilli plusieurs individus successifs

Bibliographie 

Billoin D. (dir.) 2016, Rapport de fouille programmée 2016, Pressiat (Ain) Le Mont Châtel, Fouille pluriannuelle 2016-2018, ASM, 2016, 60 p.

Billoin D. (dir.) 2015, Prospection thématique avec sondages 2015, Pressiat (Ain) Le Mont Châtel, Programme collectif de recherche Les sites de hauteur de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge en Franche-Comté (IVe-IXe siècle), 2015, 99 p.

http://patrimoines.ain.fr/n/le-mont-chatel-haut-lieu-de-l-archeologie-merovingienne/n:1371


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laurent d'Agostino (26 octobre 2023). Le Mont Châtel à Pressiat (Ain) : un établissement de hauteur du haut Moyen Âge (VIe-VIIIe s.). Fortifier les Alpes au Moyen Âge (Ve - XVIe siècles). Consulté le 15 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/voya


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